Nos enfants sont-ils épuisés ?
Voici un sujet qui revient régulièrement à l’approche des vacances scolaires, celui de la déprime, burn-out, dépression, ou fatigue, irritabilité chez les enfants.
La dernière semaine de classe est souvent synonyme d’hyper-vigilance, de chutes en tout genre, de conflits, de pleurs et de maladies. Mais pourquoi 5, 6 ou 7 semaines d’école viennent mettre à mal les enfants et qu’est-ce que cache ce mal-être ?
Intéressons nous tout d’abord aux différents noms que porte cet épuisement : il y a bien sur le Burn-out, mot tendance qui peut faire moins peur que la dépression. Et puis, la dépression, une psychopathologie connue et bien définie chez l’adulte mais plus opaque chez l’enfant. Elle est liée à une grande tristesse, un manque d’envie pour les activités, des idées noires et parfois des idées suicidaires. Elle peut être réactionnelle à un événement (comme un deuil, une perte…) ou chronique. Quand au burn-out, ce mot vient du monde du travail, c’est l’adulte en souffrance au travail. Mais depuis quelques années on entend ce terme dans le milieu de la santé mentale de l’enfant et de l’adolescent. Après avoir lu plusieurs articles sur le sujet et avoir rencontré des élèves en « décrochage scolaire » ainsi que des enseignants impuissants face à ce genre de situation, je me demandais : S’agirait-il d’une nouvelle forme de souffrance plus profonde et complexe que le simple désintérêt pour l’école? Nos enfants sont-ils tous au bord de la dépression ?
Commençons par un point sur la dépression chez l’enfant :
La dépression est une maladie référencée dans le DSM (référence dans le champ médicale des maladies mentales), il s’agit d’un trouble thymique (en rapport avec l’humeur). Une dépression peut avoir plusieurs causes, plusieurs manifestations, elle peut être réactionnelle, ou durable (on parle alors de dépression atypique ou de bipolarité). La thérapie est souvent double, chimiothérapeutique et psycho-thérapeutique permettant une stabilisation de l’humeur et un travail accès sur la compréhension et l’acceptation de la maladie au quotidien.
Concrètement, l’enfant est peu concentré à l’école et fatigué, il a du mal à se lever le matin. Il est d’humeur triste ou colérique parfois agressif. Il se referme sur lui-même, généralise un malheur à toute sa vie et ne voit pas de solution pour s’en sortir ou que ça aille mieux.
Chez l’enfant, la dépression est difficile à diagnostiquer, en effet le peu de corrélation au niveau des listes de symptômes et une appréciation plus subjective qu’objective font que l’enfant est le meilleur observateur de sa propre humeur. Néanmoins, la symptomatologie se rapproche de l’adulte, mais la plainte dépressive est rare, remplacée par de l’hostilité (à l’adolescence), le ralentissement psychomoteur peut se transformer en une sagesse excessive et la culpabilité est forte.
En général, elle s’installe lentement ou à la suite d’un événement vécu comme violent ou traumatique (décès, viol, racket…). La plus répandue est celle qui évolue lentement, difficile à repérer car l’agressivité et le comportement agité sont au premier plan et cachent la tristesse et la douleur. Non traitée, elle peut disparaître spontanément après quelques mois avec des symptômes perdurant 1 ou 2 ans.
Un enfant souffrant de dépression, même si celle-ci n’est pas diagnostiquée ou réellement visible par l’entourage, est un enfant en construction. Sa personnalité va utiliser le mode dépressif pour se solidifier. Comme une maison, nous choisissons du bois, des briques… la personnalité opte pour un mode. Cela signifie que l’enfant qui grandit, confronté aux événements de la vie va utiliser les symptômes dépressifs en réaction tout au long de sa vie.
Mais alors que faire quand nous sommes parents de cette détresse chez son enfant ? Comment appréhender la question délicate des idées noires et même du suicide chez ses enfants tristes ?
Voici bien une question délicate à aborder, quand son enfant rentrant de l’école nous dit « je suis nul, je veux mourir ». Luis Vera explique qu’il faut aborder ce sujet pour manifester à son enfant son inquiétude à son sujet et sa compréhension de son mal-être.
Avant tout chose, en tant que parent discuter de ses idées, pensées émotions autour de la mort est nécessaire, en discuter ne rendra pas concret l’acte, mais bien le partage du fardeau par l’enfant. Cet échange n’a pas pour but de minimiser le discours de l’enfant ou de lui montrer tout ce qu’il va bien, seulement de l’écouter et d’évaluer le niveau de risque suicidaire. Tout d’abord, un enfant qui a des idées noires « je suis trop nul, personne ne m’aime » n’a pas forcément d’idées suicidaires, seulement un déficit d’estime de soi. Par la suite, si l’enfant commence à dire « je vais me tuer », « je vais me jette par la fenêtre », alors on parle d’idées suicidaires, il y pense mais de manière générale. Il s’agit de la seule solution à tous ses malheurs . Dans ce cas là, l’adulte peut lui propose de consulter un psychothérapeute tout en lui faisant comprendre qu’il a entendu sa plainte. On peut aussi l’amener à chercher d’autres solutions. Et le dernier niveau qui doit alerter le parent est le scénario. L’enfant décrit comment il va passer à l’acte souvent à des proches, des amis, les réseaux sociaux… A cet instant, il est important de proposer à l’enfant une consultation médicale, ou se rapprocher du personnel médical de l’établissement fréquenté par exemple.
L’enfant ne se sent plus seul dans sa détresse et peut s’apaiser. Il s’agit d’un moyen d’attirer l’attention sur ses angoisses et l’enfant doit trouver une oreille pour expliquer ses peurs, ainsi l’adulte peut rassurer et proposer à son enfant une prise en charge par des professionnels. Cela permet de diminuer le sentiment de culpabilité et d’anormalité que l’enfant ressent.
La dépression est une pathologie qui nécessite des prises en charge médicale et thérapeutique comme chez l’adulte mais le manque de connaissance et d’information sur celle chez l’enfant à laisser la place à un autre trouble : le burn-out.
Un enfant peut-il être atteint de burn-out ? Et comment se manifeste-t-il ?
Commençons par une définition simple du burn-out : il s’agit d’un épisode dépressif en réaction à un épuisement professionnel, ou scolaire dans le cas des enfants. Chez l’enfant, le burn-out est une forme de fatigue ou d’épuisement physique et psychologique. Pour être plus clair, il s’agit d’une réaction à un stress intense et prolongé, ils sollicitent leurs ressources, de plus en plus, jusqu’à l’épuisement, et c’est là que nous parlons de burn-out. Ce sont des enfants exténués, qui ont souvent des problèmes de sommeil ou même d’alimentation, d’irritabilité et des rapports conflictuels avec les adultes.
Une étude réalisée par Sandra Zakari et Hossaïn Bendahman a montré que le stress ou les pressions en rapport à la scolarité, les attitudes parentales, l’entourage social, les relations avec les enseignants, la relation à la fratrie, le parcours scolaire lui-même, les projets d’orientation et les activités extrascolaires sont relatives au mal-être ou à l’épuisement, le plus souvent visible à l’école, on parle alors d’épuisement scolaire.
L’épuisement chez les enfants est donc une réalité qui prend de l’ampleur. Il s’agirait d’une sur-stimulation du cerveau, créée par l’environnement où l’enfant lui-même, qui va user peu à peu ses ressources. Le cerveau ayant une mécanique comme le corps il a besoin d’un entraînement progressif. Si celui-ci ne fait l’expérience que de stress, projections futures, interprétation de ses résultats scolaires, et même si les personnes de son entourage sont elle-même sous pression, angoissée, déprimée alors son fonctionnement en miroir va utiliser les mêmes mécanismes, qui deviendront automatismes de pensées jusqu’à l’épuisement.
Mais alors comment aider ses enfants à éviter cet épuisement ? Cette tristesse ?
Il ne faut pas oublier le caractère épisodique du burn-out, ou de la dépression qui à l’échelle d’un enfant nécessite un rééquilibrage de son temps, de ses activités, de son rythme.
La première solution fait appel au bon sens, quand on est épuisé nerveusement il faut faire une pause. Pour un enfant, les vacances sont idéals, cela permet d’aller chez les grands-parents ou de rester en famille, de faire des activités calme et sans pression ou enjeu de réussite. Il peut fréquenter un centre de loisir, ou partir en colonie, l’idée est de casser son rythme habituellement et renouer avec un environnement plus calme et moins stressant.
La famille, ou son entourage peut prendre du recul sur la vie, les attentes et la pression que subie l’enfant en souffrance et Lui permettre de faire des expériences positives, bienveillantes et les laisser s’ennuyer, se reposer tranquillement. Il faut parfois lâcher-prise pour que l’enfant retrouve sa joie de vivre et un équilibre plus stable.
